tailler une pipe
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D’où vient l’expression « tailler une pipe » ?

Voici une expression bien française, fréquemment utilisée, et qui signifie « faire une fellation ». Mais d’où vient donc cette expression imagée ? À quelle époque remonte-t-elle et comment est-elle apparue ? Nous vous apportons ici quelques éléments de réponses.

Pour tout dire, l’origine de l’expression n’est pas si lointaine puisqu’elle remonte à la première partie du XXème siècle et est apparue dans le milieu de la prostitution. Auparavant, les amateurs utilisaient plutôt le terme de « tailler une plume ». Nous retrouvons d’ailleurs ce terme chez Guillaume Apollinaire qui, s’il est aujourd’hui une figure majeure de la littérature, a produit de nombreuses œuvres érotiques qui demeurent encore assez confidentielles.

« Mony – Ah ! Hélène, comme ta langue est habile. Si tu enseignes aussi bien l’orthographe que tu tailles les plumes tu dois être une institutrice épatante… Oh ! tu me picotes le trou du gland avec la langue… Maintenant, je la sens à la base du gland… tu nettoies le repli avec ta langue chaude. Ah! fellatrice sans pareille […] »

Guillaume Apollinaire – Les Onze mille verges

L’expression « tailler une plume » était d’ailleurs fréquemment utilisée dans de nombreuses formules argotiques : « Les filles publiques n’ont pas besoin de canif pour tailler une plume d’oie. » Le terme fut largement exploité et nous le retrouvons encore dans des écrits pas si lointains :

 « Ce dont Sally était incapable, c’était de me tailler une plume. Décharger un fusil sur un petit coin-coin, c’est parfait, mais me sucer la pine, c’est au-delà de ses possibilités. »

Philippe Roth, Portnoy et son complexe, 1967.

« Avoir un Crédit Lyonnais entres les fesses »

Un synonyme assez savoureux de tailler une pipe ou une plume était également largement utilisé sous la forme de « tutoyer le pontife ». Dans un autre genre, la fellation était aussi désignée sous le terme de « pomponette au kirsch », même si ce dernier était d’un usage très régional puisque essentiellement utilisé en Alsace. Il existe à vrai dire une foule de synonymes de « tailler une pipe », tous issus d’une imagerie populaire débordante d’imagination. En voici quelques-uns : « brouter l’asperge », « faire une gourmandise », « faire une turlute », « scalper le mohican », « faire un pompier ». Cette dernière expression étant d’ailleurs l’une des plus usuelles en raison de son fort caractère imagé : autrefois les pompiers activaient à la main les pompes de leurs citernes. Ces mouvements de va-et-vient du piston dans le corps de la pompe rappellent bien évidemment qu’au cours d’une fellation l’homme se fait « pomper » le dard par un même type de va-et-vient.

Mais revenons à notre expression « tailler une pipe ». Les dames de petite vertu qui taillaient des plumes à leurs clients comparaient ce geste à celui des fumeurs qui, en roulant leur cigarette, la modelaient délicatement avec leurs doigts avant de faire courir leur langue le long du papier pour aboutir à une « pipe » prête à être fumée. Il ne leur restait plus qu’à l’allumer et « avaler la fumée », terme ayant, lui aussi, pris une connotation sexuelle puisqu’il désignait une fellation complète avec avalement du sperme.

Nous espérons que vous aurez appris quelque chose et nous vous invitons à faire des recherches par vous-même afin de découvrir d’autres expressions argotiques à connotation sexuelle, toutes grandement imagées et savoureuses. Voici quelques pistes à défricher : « Défriser la chicorée », « faire éternuer son cyclope » ou encore « Mettre le grand turc dans le Constantinople », sans oublier le fameux, mais non moins mystérieux « Avoir un Crédit Lyonnais entre les fesses »…

Une chronique du Docteur Strangelove

 

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