Eva Delambre
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Éva Delambre, figure libre dans une littérature BDSM engagée

Ruedesplaisirs a eu le privilège de rentrer en contact avec l’écrivaine Éva Delambre. Elle est l’auteur, entres autres, de Devenir Sienne, de L’Esclave, de L’Éveil de l’ange, de Marquée au fer et dAbnégation. Retour sur l’écriture de ce livre avec l’auteur elle-même : un huit-clos intense entre Sia et son Maître.

Ruedesplaisirs : Bonjour Éva, pourriez-vous avant d’attaquer sur votre livre par vous présenter en quelques mots ?

J’ai découvert le BDSM en même temps que l’écriture, il y a une dizaine d’années. Depuis, je m’y consacre pleinement. Mon huitième roman BDSM paraitra cet automne.

Ruedesplaisirs : Avant de parler du BDSM dans votre livre, pourriez-vous nous dire quel rôle joue le prologue signé d’un expert Maître TESAMO ? Qui est-il ?

Mes romans expriment généralement le point de vue d’une soumise, avec ses doutes, ses questionnements, ses ressentis et ses émotions. Ce prologue, signé par mon Seigneur et Maître, a pour but d’apporter quelques éléments qui peuvent aider à la compréhension ou apporter des éléments supplémentaires. Il donne aussi Son point de vue sur la façon dont j’ai abordé l’écriture de ce livre et Ses mots sont toujours très appréciés de mes lecteurs/lectrices. Il me fait généralement toujours l’honneur de glisser quelques mots, au début ou à la fin de mes romans.

Ruedesplaisirs : Ce roman « Abnégation » pourrait-être autobiographique, dans quelle mesure ?

Comme dans tous mes romans, hormis Devenir Sienne, il y a une part d’autobiographie et une part de fantasme et de romance. J’aime distiller des situations vécues au milieu d’autres scènes. Parfois il s’agit de simples détails et parfois de longues descriptions. Seuls mon Maître et moi savons exactement ce qui se cache derrière chaque ligne. J’y glisse aussi parfois quelques messages qui Lui sont destinés et que lui seul sait décoder. Certaines de mes lectrices recherchent avec minutie ces passages, elles les traquent et parfois m’adressent un petit message sur leur enquête. C’est très drôle ! Je rassure tous vos lecteurs, on prend toujours un grand plaisir à me lire, même sans décodeur.

Ruedesplaisirs : Le BDSM est un monde à part avec ses pratiques maîtrisées, ses codes, quels sont-ils ?

C’est une question que je me suis beaucoup posée au début. J’ai compris depuis qu’il n’y a pas de règles universelles dans le BDSM et que si certaines façons d’agir sont très fréquentes, comme le vouvoiement, la position à genoux, les yeux baissés, etc. chaque maître a sa propre façon de fonctionner et d’éduquer sa soumise. Il la formera à sa main et selon ses propres règles qui seront sans doute différentes de celles d’un autre dominant. Il y a autant de façon de vivre et de pratiquer le BDSM que de personnes qui le pratiquent, et c’est aussi ce qui en fait sa richesse. Personnellement, j’aime beaucoup la voie de Mon Maitre, dure mais juste et toujours tendue vers la recherche de l’Excellence.

Ruedesplaisirs : Aller au-delà de sa zone de confort est-ce une définition possible de la soumission ?

Je pense oui même si je n’avais pas utilisé ce mot. Je parlerai plutôt de dépasser ses limites, mais l’idée est la même. La soumission est souvent vécue comme un cheminement et un apprentissage. L’idée de progression et de dépassement de soi est indissociable, à mes yeux, de ce type de relation. Un maître de qualité fera en sorte de guider sa soumise afin qu’elle s’améliore, en la poussant plus loin qu’elle ne s’en croit capable, mais sans jamais franchir la limite de ce qu’elle peut supporter. C’est une lourde responsabilité pour le maître qui se doit de connaitre parfaitement celle qui s’offre à lui. C’est aussi un vrai savoir-faire et savoir-être. Pour moi, un « vrai » maitre se doit d’avoir les connaissances requises, tant sur la psychologie que l’anatomie. On ne peut s’improviser « Maitre » juste parce qu’on a des instincts de domination.

Ruedesplaisirs : Vous écrivez la fierté à être une femme esclave sexuelle, quel plaisir cela procure-t-il ?

Je ne parlerai surtout pas d’une « femme esclave sexuelle », de nombreuses soumises sont des féministes accomplies. C’est un paradoxe sur lequel je m’exprime régulièrement sur ma page Facebook. Une soumise est avant tout une femme de grande liberté, c’est elle qui choisit à qui s’offrir et de tout donner. Bien sûr, une soumise est souvent utilisée sexuellement par son maître, même si ce n’est pas toujours le cas. Étant entièrement à disposition de son maître, si celui-ci l’exige, elle devient un objet de plaisir et se doit de donner le meilleur. Le maitre lui aura appris à parfaire ses talents, puisque le but premier d’une soumise est de le satisfaire. Un maitre exigeant haussera le niveau, les pratiques deviennent raffinées, extrêmes, imaginatives. Lorsque son maitre atteint la jouissance et lui glisse des mots ou un regard de pleine satisfaction, la soumise est emplie d’un immense plaisir cérébral. Celui-ci est décuplé si son maitre l’a autorisé à jouir à son tour. Le corps et le cerveau s’unissent pour donner alors une profonde jouissance. On est au-delà du sexe et de la pornographie !

Ruedesplaisirs : « Le lien puissant » qui unit Sia et son Maître est-il purement sexuel ?

Pas du tout, et ce serait une erreur que de ramener la relation BDSM à une aventure sexuelle. Ce livre tend à démontrer bien autre chose justement. C’est un aspect important dans ma démarche littéraire que de définir la complexité de ces relations hors normes. Il est vrai que le sexe prend beaucoup de place dans mes livres, car j’avoue aimer écrire cela. Mais dans Abnégation, je cherche à décrire tout ce qui fait que leur Lien est si fort, et cela passe principalement par la soumission et plus précisément, par l’abnégation. Ce terme est une sorte de « graal » et de questionnement pour de nombreuses soumises. Le sexe n’est qu’un des nombreux aspects de leur relation, dans mon roman. Le maitre désire juger sa soumise davantage sur son attitude, ses réactions et son comportement que sur ses capacités sexuelles proprement dites. Il veut la conduire à trouver la bonne définition du mot « abnégation », il va la pousser loin dans la réflexion. Le BDSM est souvent considéré comme une pratique sexuelle, mais je trouve ça très réducteur. Je pense que toutes celles et tous ceux qui le pratiquent vraiment seront d’accord avec ça. Personnellement, j’ai toujours été satisfaite sexuellement et si je suis allée vers le BDSM, c’est pour y trouver d’autres réponses, d’autres émotions, d’autres sentiments. Mes lectrices découvrent cela sous ma plume et leurs témoignages montrent que nous sommes nombreuses à avoir ses envies.

Ruedesplaisirs : Dans votre écriture, il y a tout une lexicologie religieuse : « âme », « dévotion », « abnégation »…, cette relation de maître à esclave a-t-elle une spiritualité à part entière ?

C’est vrai, ce sont des termes qui me viennent naturellement lorsque j’écris. Il y a dans ces relations quelque chose qui va au-delà du rationnel. Une soumise peut véritablement vénérer son maître. Certaines séances sont si intenses cérébralement et les émotions si puissantes que seuls des termes forts peuvent tenter de les retranscrire. Je parle parfois de la soumission comme je parlerai de religion, et il est vrai qu’on peut y retrouver certains aspects. Les postures aussi renvoient au spirituel et religieux, la mise à genoux, l’entrave sur une croix, la pénitence. Pour s’offrir pleinement, il faut croire en celui qu’on appelle maitre.

Ruedesplaisirs : Dans le deuxième chapitre, le Maître s’exprime ainsi « Je vais marquer ton corps et ton âme plus profondément que tu ne peux l’imaginer. ». Asservir un corps est une pratique BDSM répandue, mais une âme ?

Asservir un corps est facile, mais je ne crois pas que ce soit la finalité d’une relation BDSM. Dans certains cas, les partenaires ne recherchent que les sensations physiques, sans doute. Mais je n’ai jamais échangé avec une soumise qui avait cette approche du BDSM. Ces relations sont complexes et profondes. Il faut que l’alchimie entre le maître et la soumise soit parfaite, il faut que la confiance soit totale, il faut un respect inébranlable, il faut une connaissance sans faille de l’autre. Il faut un Lien puissant. Il faut que la soumise puisse et veuille s’en remettre corps et âme à son maître. Alors en effet, il asservira son corps, mais c’est sa soumission qu’il recherchera s’il est véritablement maître. Lorsqu’on s’offre à la douleur physique, par exemple, ce n’est pas véritablement son corps que l’on offre, c’est avant tout son âme, car c’est un Don, une offrande. Donner son âme c’est tellement plus que présenter son cul ou ses chairs. C’est s’offrir totalement, accepter de perdre ses repères, sa morale, ses valeurs pour s’en remettre entièrement à Son Seigneur. C’est offrir l’insondable, lui donner la porte de son cœur, le code de son cerveau, la clef de ses rêves. C’est tellement plus encore. Après bientôt 8 romans, j’ai encore beaucoup à dire et à partager sur le sujet et mes lectrices en redemandent.

Ruedesplaisirs : À ce propos, Sia doit se préparer mentalement à cela. L’approche psychologique est très prégnante dans votre roman. Cela vous semblait aller de soi pour aborder le BDSM ?

Sia est confrontée à des épreuves difficiles, à un moment charnière de leur relation pourtant accomplie. Il ne s’agit nullement d’un jeu entre elle et son maître. Elle vit intensément tout ce qu’il lui impose, et rien n’est facile. Il la pousse toujours plus loin. Avoir le temps de se préparer mentalement avant une épreuve permet de s’y préparer, mais aussi de se remettre en question, de s’interroger, de puiser en soi la force nécessaire. Ce temps permet de faire tomber des barrières, de faire remonter des émotions que l’on ne vit que dans ces moments-là. C’est à mon sens des moments qui ont toutes leurs importances et qui sont indispensables. L’approche psychologique est essentielle. Sans cela, ce n’est pas du BDSM, mais juste… du porno-sm. Toute la relation repose là-dessus. C’est pour cela que ce sont des relations particulièrement riches et profondes et que roman après roman, je dévoile pour le plus grand plaisir de mes lecteurs et lectrices.

Vous pouvez retrouver le livre d’Éva Delambre.

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